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Lili memories
19 septembre 1998

Au temps des soins (troisième semaine)

Jeudi midi:
Enfin l'équipe médicale me visite: psy, Doudou martinicaise, infirmière du jour, infirmier responsable, chef aide-soignant. Je leur raconte mon aventure du week-end.
-Et c'était déjà arrivé?
-Oui, mais je ne m'en souvenais plus.
-Ces choses là ne s'oublient pas! a affirmé péremptoirement l'infirmière.
-Peut-être, mais moi, je les avais oublié!
C'est lorsque j'ai vu son geste que tout m'est revenu!
Une autre fois lorsque nous étions plus jeune et que j'étais sortie au delà de la permission de minuit! Il était venu me chercher en braillant, et à la maison, dans la cuisine, avait tenté de m'étrangler, si ma mère n'était pas arrivée, je serais morte!
-Vous pouvez rester chez vos parents, et continuer à vous reposer chez eux.
-Difficilement!
-Vous rentrerez chez vous vendredi soir.
-Ce vendredi soir?
-Oui, nous ne pouvons vous garder davantage, vous avez l'air reposée, vous êtes mieux.
-Si vous le dites! C'est ce que vous pensez vraiment?
-Oui! répond la Doudou
-Alors, tant pis! Mettez-moi dehors!

J'aurais cassé tout ce qui se trouvait dans ma chambre, peut-être n'attendaient-ils que celà?
-Vous n'avez pas joué le jeu! me dit l'infirmière
-Quoi, vous auriez voulu que je mette tout à sac?
-Vous n'êtes pas malade! Vous respirez la joie!
-Plaise à Dieu que je respire Sa Joie! vous auriez voulu que je ne me maquille pas, que j'erre comme un cadavre dépeigné, en chemise dans les couloirs, que je refuse la bouffe, que je ne me lave plus, que je vous insulte, que je vous taxe des cigarettes et que je fasse entrer de l'alcool en cachette ou quoi?
Heureusement c'est le jour de visite des bénévoles laïques, puis du prêtre, il me confesse, me donne le sacrement des malades, me fait communier et me souhaite bon retour et bonne débrouillardise pour continuer et survivre. Il a tout compris le brave homme!
Puis, comme il n'est pas l'heure de souper:
-Tu m'as dit que tu étais déjà allée faire des visites à des malades?
-Oui, c'est exact, section cancer, cure désontox et psychiatrie.
-Je vais visiter une malade en stade final, accompagne-moi.
-C'est où? c'est loin, je n'ai pas le droit de sortir!
-Etage supérieur!
-Bien, allons!
Comme c'est différent d'un étage à l'autre!
La déco déjà, les couleurs, la taille des chambres, la façon de s'exprimer des infirmiers envers les patients, même l'odeur de la bouffe! Un bain de rêve quelques minutes, eux, on les considère en être humains!
Reine est allongée, perfusée, elle regarde une émission de télé.
Le prêtre parle avec elle de leur dernier pélerinage à Lourdes: Cancer-espérance, je crois.
Il voudrait qu'elle témoigne pour sa feuille de choux, elle est d'accord.
Successivement arrivent son fils, sa fille et son petit-fils.
Après une prière, nous sortons. J'ai pris comme un bain de lumière!
Cette femme tranquille et cependant mourante, pleine de projets et de bonnes pensées pour ses enfants et son entourage.
-Ca valait le coup?
-Oui! Je suis heureuse de l'avoir vu!
On se quitte. Demain après-midi, je pars!

Jeudi soir:
Je commence la nuit en priant avec Gigi.
-Deux nuits sans toi, puis le départ moi aussi!
Qu'on ne me mette pas une vieille à côté ou je l'étouffe avec son coussin pendant qu'elle ronfle! J'ai prévenu les infirmières! Ils ne me mettront personne!
-Sacrée Gigi!
-Tu m'expliques si le diable existe?
-Pardon, tu veux dire quoi, là?
-Ben une nuit j'ai vu des êtres étranges, comme des démons, ils voulaient me tuer, ils sont entrés par la fenêtres et depuis ce temps, je ne dors plus la nuit!
-On va prier et leur ordonner de te laisser en paix d'accord?
Alors on prie un moment, et Gigi s assoupit tranquillement pour la première fois. Je quitte la chambre sur la pointe des pieds avec un bouquin. Les infirmières me talonnent, pas rester seule la dernière nuit! Pas moins de cinq fois me font raconter et revivre toute mon histoire, épouvantable exorcisme que je ne souhaite à personne! Cette haine qui sort de moi à l'état brut, ces cris de bête blessée... On me sert des tisannes, du chocolat chaud.  L'une d'entre elle me laisse entendre qu'elle parlerait au médecin chef, on ne pouvait me laisser sortir dans ces conditions!
Je finis la nuit aux toilettes où là, je peux vider mon chagrin et prier à nouveau tranquille.
Puis je regagne ma chambre, prend le petit dej, et me couche pour deux heures environ.

                                                         (A suivre)

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